Je viens de terminer l'essai de mon ami Dominique Cardon intitulé "La démocratie Internet, Promesses et Limites", sorti mi-septembre chez Seuil. On peut d'ailleurs déjà lire des chroniques notamment sur le journal le monde, je cite:
"Dominique Cardon s'attache ici à établir les principes fondamentaux de la "démocratie Internet" : présupposition d'égalité, à l'image de l'encyclopédie Wikipedia abondée également par tous ; force des liens faibles qui coalisent les intérêts et font émerger des causes par le simple partage de l'information ; coopération, auto-organisation, préférence pour le consensus dans les processus de prise de décision, etc (...) Des promesses et des limites, ce sont pour Dominique Cardon les premières qui l'emportent"
Ce livre est effectivement résolument positif vis à vis de l'espace public numérique. De mon côté, j'ai dévoré l'ouvrage (100p) en une heure, appréciant notamment l'entrée en matière : elle dresse une analogie entre l'organisation hippie communautariste et spontanée des années 60/70 des Etats-Unis, avec l'esprit originel d'internet, je cite D. Cardon :
" En invitant à habiter les espaces en ligne pour revitaliser le lien social, il [internet] offre une utopie de substitution aux communautés hippies (...) Internet s'est ainsi donné, comme mythe fondateur, une promesse d'exil et de dépaysement radical." (p25)
Je me suis notamment retrouvé dans l'analogie filée par l'auteur, expliquant qu'il n'est pas surprenant qu'Internet soit investi de toutes sortes d'idéaux politiques dans un tel contexte, je cite : "développeurs de logiciels libres, activistes des biens communs immatériels, phrophètes de l'intelligence collective, avocats des téléchargeurs-remixeurs, apôtres de la liberté d'expression et des travestissements identitaires, militants d'une information alternative ont été les premiers théoriciens de la forme politique d'internet" (P26). Je suis sûr que vous vous retrouvez également dans l'un de ces "idéaux" politiques non?
L'auteur analyse ensuite l'élargissement de l'espace public, expliquant très justement la différence entre l'espace public avant et après internet, dans la continuité des réflexions de Versac dans "De la démocratie numérique" : il pointe notamment du doigt l'arrivée dans l'espace public de conversations privées mais qui deviennent publiques de part la nature de l'outil utilisé pour les émettre.
Il regroupe dans tous les cas de manière très juste la prise de parole sur internet dans 4 catégories, pour clarifier leurs apports (ou pas) à l'expression démocratique :
- la sphère publique restreinte
- le web participatif
- le web en clair obscur
- et l'espace public en ligne a proprement parlé
Il s'agit d'un vrai apport pour actualiser la pensée d'Habermas sur le sujet. J'ai également beaucoup aimé l'argument réservé aux détracteurs de l'espace de libre expression que constitue la toile, indiquant que certes on trouve aussi des sites nazis, négationnistes ou encore racistes sur la toile, mais ils ne se comptent qu'en dizaine, et il est obligatoire de les chercher pour tomber dessus: si on n'a pas un intérêt préalable pour le sujet, on ne les voit jamais.
Les 20 dernières pages (chapitre IV: la forme politique d'internet) sur la forme politique d'internet a proprement parlé, c'est à dire au delà de l'analyse de l'apport d'internet à l'espace public, est trop rapide à mon gout (j'en aurai voulu plus) car il s'agit, il me semble, de la promesse principale d'un titre "la démocratie internet". j'ai l'impression qu'on restreint toujours la prise de parole sur internet à TOUTE la démocratie. L'élection, le suffrage universel, la représentation, la délibération, la légifération, la surveillance etc sont autant de thèmes qui, malheureusement ne sont pas abordés, alors qu'ils sont au coeur d'une tension entre internet et la démocratie.
Conclusion: Ce livre est tout à fait complémentaire à Egocratie et Démocratie:) Lisez Dominique Cardon sans hésiter:)
Les commentaires récents