En lisant la très bonne étude ci-dessous rédigée par la région Nord pas Calais, on se demande pourquoi la délibération citoyenne n'est pas plus utilisée dans le process de prise de décision :
La région a modélisé comment différents outils et différentes techniques permettent d'inclure les citoyens dans une décision partagée : du plus simple au plus complexe, avec le retour qu'on est en droit d'attendre (ROI) :
- simple page web d'information textuelle
- page multimedia
- voting
- digg-like
- forum ou site communautaire en écho aux conseils de quartier...
Voilà qui montre la richesse des outils possibles pour inclure le citoyen dans le process de prise de décision. Hors on lui préfère bien souvent aujourd'hui le sondage ou le focus group, ce qui plutôt néfaste pour la démocratie:
Les sondages ou encore focus group sont autant de techniques qui remportent dans les démocratie occidentales un vif succès depuis une vingtaine d’années, avec pour mission de mesurer la réceptivité de certains messages avant de les formuler en tant que tel au plus grand nombre.
Cette technique marketing permet d’éviter qu’un trop grand écart ne se creuse entre les convictions des citoyens et leur expression dans l’espace public : les remontées terrain et les adaptations des messages politiques qui en découlent, à intervalles réguliers, évitent de se couper de la base électorale. Ils captent l’opinion public au stade le plus précoce de sa formation, permettant de se l’approprier avant qu’elle ne fasse « trop de bruit » : le public est en quelque sorte dépossédé de son opinion, une fois qu’il a été sondé (1).
Les sondages et focus group présentent également l’avantage d’être plus économes en ressources, par rapport à l’investissement qui consisterait à organiser une délibération rationnelle sur un sujet et le porter sur l’espace public, afin d’en sortir un maximum de points de convergences à adopter ensuite. En outre, une telle procédure reviendrait à reconnaître qu’il existe un lieu alternatif de la délibération, par rapport à l’assemblée qui est pourtant légitimée par le vote, est dont le but est précisément celui là. Enfin, une telle visibilité pourrait, selon Jacques Chevallier, diminuer les marges de manœuvres accordées par le suffrage universel aux autorités (2), alors que les sondages sont souvent cachés et entretiennent l’imaginaire d’un représentant naturellement aligné avec les idées des représentés.
Mais le choix de cette procédure, largement répandue dans nos démocraties contemporaines, est un arbitrage réalisé au dépend du corps social, en faveur de l’image des instances représentatives : en effet, les différentes formes de délibération « citoyenne » présentent, entre autre avantage, celui de constituer des lieux d’apprentissage actif : dans ces lieux de discussion, les participants sont amenés à prendre en compte les rationalités des autres acteurs et les contraintes de l’action collective, car « l’exposé des points de vue des uns et des autres, l’échange d’arguments, la recherche de compromis favorisent l’intériorisation de nouvelles représentations de la réalité et le passage à une rationalité coopérative ».
La différence entre le sondage et la délibération ne se situe donc pas forcément au niveau du résultat, c’est-à-dire la décision finale qui sera prise, mais bien au niveau de la procédure : le sondage ne fait qu’agréger des individualités, alors que la délibération forme un collectif raisonné, qui est l’essence même du « démos » dans le mot « démocratie »...non?
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notes
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(1) P. Lascoumes, Yannick Barthe et Michel Callon expliquent ainsi que « le sondage est une procédure calquée sur le scrutin électoral. Ce qui compte, ce que l’on compte, ce sont des individus qui sont censés avoir des opinions personnelles, et que l’on cadre en préformatant les questions et les réponses. La volonté générale se dégage de manière automatique par une procédure d’agrégation statistique qui est celle des grands nombres (…) Enfin le sondage abouti à une réification complète de l’opinion publique, qui se trouve résumée en quelques propositions pouvant être utilisées sans le consentement de ce même public qui est dépossédé du contrôle de sa propre opinion (…) Le public n’a rien de plus à dire et ne peut commenter ce qu’on lui fait dire. Seule compte l’ « opinion » produite, dont il est dépossédé une fois qu’elle a été recueillie.» in Agir dans un monde incertain : essai sur la démocratie technique, éditions du Seuil la couleur des idées, septembre 2001, p213.
(2) Car la délibération apporte une légitimité d’ordre procédurale, dont les résultats peuvent être en contradiction avec ceux apportés par la légitimité représentative : Jacques Chevallier, La démocratie délibérative : mythe et réalité, dans le recueil en hommage à Lucien Sfez, sous la direction d’Alain Gras et Pierre Musso, intitulé Politique, Communication et Technologies, PUF, février 2006 p82.
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Rédigé par : lululemon canada outlet | 13/09/2013 à 19:58