Il y a quelques
semaines se tenait à la cantine 2 conférences organisées par le Social Media Club France sur le thème « social
media et politique ». Les intervenants étaient les suivants :
- Nicolas
Vanbremeersch alias Versac, fondateur et PDG de Spintank et célèbre blogger
politique sur meilcour.fr
-Quitterie Delmas,
ex- bloggeuse vedette du Modem
-Sophie Pène,
professeur à Paris Descartes (uniquement présente à une des 2 conférences)
- Benoit Thieulin,
Fondateur et PDG de la Netscouade, créateur de desirsdavenir.org
- Nicolas Voisin,
fondateur et PDG de 22mars et bloggeur sur Nuesblog.com.
Le compte rendu est disponible sur le wiki du social media club France, et je me permets de le synthétiser et de le bloguer ci-dessous, car, mine de rien, c’est un bon panorama de la réflexion actuelle française sur le sujet. Je vous joins également la captation vidéo de la seconde conférence (était Vice Prez du Social Media Club France, il va sans dire que je suis totalement impartial :)
Social Media et Démocratie Part2
envoyé par la-cantine. - Vidéos des dernières découvertes scientifiques.
Voici les points importants du débat (merci au passage à Abeline pour ce compte rendu détaillé J
1) Etat de l’art et
Problématique par Nicolas Vanbremeersch :
« Pour étudier la problématique « Social médias et Démocratie », deux angles inséparables et concordants sont nécessaires pour poser un diagnostic complet :
-la formidable expansion de l’espace public qu’offre les nouveaux médias, et entrainant de nouvelles règles
-le formidable outil de levier d’organisation de l’action
politique qu’ils représentent.
*Qu’est ce que l espace public et quelle place le numérique
y a-t-il ?
Revenant des USA, avec Terra Nova, nous avons constaté que
le web y était au centre de l’espace public. La campagne d’Obama a réussi à
mobiliser jusqu’à 1.2 million de personnes, en levier, qui concrètement ont
fait du porte à porte. En France, le web est un espace de correction par
rapport à l’espace médiatique, mais il n’y est pas réconcilié avec les règles
de l’espace public français.
*L’émergence des médias sociaux nous interroge sur la
pratique démocratique.
a) Chaque individu se
crée quelque peu des cocons d’information, entraînant donc sa déconnection de
certaines informations. Suite à l’effet de longue traîne bien connu, on assiste
à une désagrégation de l’espace public commun (cf thèse de Stein)
b) L’espace numérique est souvent le fait d’acteurs
involontaires. Il revêt donc une fonction sociale. Par un effet de main
invisible, on cherche à produire un espace public serein.
c) Une distinction off-line et on-line persiste. En France,
la continuité off-line et on-line est peu percue .
Nous avons déterminé deux axes d’étude du sujet : l espace
public numerique et le militantisme. »
Points à débattre à ce sujet :
-Il y a eu une véritable déception, suite à la campagne que
nous avons tous adoré d’Howard Dean, notamment dans les mouvements
périphériques à gauche. Mais lors de celle-ci, il n’ya pas eu de
capitalisation, ce qui permet de devenir une organisation pérenne des
mouvements de contestations.
-http://novovision.fr/?Internet-une-arme-des-classes
-Il y a une grande différence culturelle entre les USA et nous, sur la vision d’internet et de son
utilité. Aux USA, Internet est un
élément de la culture, son adaptation, le design tout est inspirant. Internet
crée une logique de mondialisation personnelle du militantisme. Mais quelle
forme de militantisme choisir par rapport aux médias sociaux ? En France, il
existe une passion de l’étiquette du statut, qui est l’inverse de la logique dynamique
d’internet.
-Une organisation comme Moveon.org serait impossible en France pour plusieurs raisons, d’une part un problème de légitimité d’autre part une logique des parts de marché gouvernant les mouvements, que l’on arrive pas à fédérer. L’exemple de la mobilisation sur EDWIGE par exemple est très probant.
2) Intervention de Sophie
Pène sur l’espace publique numérique
« Le concept de démocratie participative, accolé ou non
aux médias sociaux, semble être le lieu du déclenchement des colères. Prenons
pour exemple Ségolène Royal et l’évocation des jurys citoyens. Si l’on reprend
un article d’ Yves Saint Omer, pour bien être comprise la démocratie
participative demande une culture.
Indépendamment de la pression que représentent les médias
sociaux, depuis les années 80, avec la succession de comités, associations etc
.. , un mouvement de fond les accompagne vers des tentatives d’une autre forme
de représentation. La recherche est donc vers un mode de représentation
quasi-exhaustif des citoyens.
L’intérêt de la formation des volontés a plus d’intérêt que
la décision, ce qui entraîne donc un fantasme de la représentation des citoyens
dans la décision.
Si l’on en fait une analyse rigoureuse, on s’aperçoit que
médias sociaux et démocratie participative ne se chevauchent pas, ce qui a pour
conséquence :
-une production dynamique de flux
-une vision radicalement innovante (par exemple : l individu
est producteur légitime d’information)
-l’espace de travail est aussi un terrain d’innovation des
médias sociaux ( I.Fereras, D.Cohen). On constate donc qu’ils s(arrachent de plus en plus à la sphère domestique pour
créer un espace public de plus en plus politique. Face à des entreprises
désorganisées, certaines font le choix de la démocratie participative comme
mode de management.
Tous ces phénomènes sont des formes de réponses à la
question : à quel besoin social répond l’innovation (et ce particulièrement dans
l’entreprise) ? »
Points à débattre à ce sujet :
-I l y a eu avec internet une véritable révolution, qui est
celle de la participation. Mais internet est-il un outil de propagande via les
nouveaux médias ou est il simplement un contenu innovant (ex des logiciels
libres, pouvant servir de modèle et de culture). On peut se demander pourquoi
des organisations telles que l’Alliance pour la planète n’utilise pas les
stratégies venant des logiciels libres pour évoluer
3) Intervention de Nicolas
Voisin sur l’espace publique numérique
« Nous assistons actuellement à une véritable rupture
intellectuelle dont l exemple type est l’élection d’Obama, ou le passage de
1million à 7 millions d’utilisateurs Facebook.Cette transformation à l’échelle
de l’humanité peut se diagnostiquer en plusieurs points :
- Les institutions publiques s’adossent à des médias sociaux
- On assiste à
l’émergence de réseaux sociaux en open-source, ce qui développe une certaine
pédagogie, qui se transmet ensuite à d’autres formes de réseaux.
- Dans les médias traditionnels, on note l’apparition d’une
problématique récurrente (cf Sheller) celle du 4eme pouvoir : -quel impact les
medias sociaux ont sur la sphère médiatique ?
-quelles conséquences ont-ils sur la démocratie et sur ses
usages ?
-quels sont les bons usages de ces stratégies ? (ex : usage
des bases de données) »
Points à débattre à ce sujet :
- Il est évident que nous assistons à un dysfonctionnement
du système démocratique. On peut se demander pourquoi nous n’appliquons pas les
Méthodes d’Organisation Coordonnée qui créent des incitations et un système de
compétition des différents gouvernements.
- Le France a manifestement un problème avec le web social. On le constate avec par exemple l’actuelle mobilisation universitaire. Internet se révèle être l’outil principal de circulation et du mode de décisions mais sans être utiliser pour ses valeurs de web 2.0.
- La blogosphère se regroupe et s’est rapprochée des
institutions, mais en délaissant un peu les convictions des citoyens. La
difficulté est de trouver des outils permettant de se fédérer là-dessus.
4) Intervention de Benoit
Thieulin sur le militantisme
« Je partirais de l’exemple de la pratique militante la
plus ancienne : la distribution de tract. Pourquoi est ce que cela ne
fonctionne pas ?
-Il est important de tenir compte d’une économie de
l’attention. Aujourd‘hui surtout sur le net, nous sommes dans une économie de
la recommandation, et donc cela entraine le problème de la conviction
-le tract n’est pas séducteur. D’ après une étude effectuée
aux USA en 2004, 1 tract sur 100 000 nécessaires est convaincant ; alors que
lors d’un démarchage téléphonique le ratio passe à 1/100 et en porte à porte à
1/14. Pourquoi est ce que ce dernier est plus efficace ? parce qu il est
effectué de manière affinitaire.
La difficulté pour un parti politique est d’organiser le
travail des militants de manière relativement décentralisée. L’intérêt des
réseaux sociaux est donc dans l’abaissement des barrières d’entrée dans un
parti politique. Cela crée un rapport inversé, puisque cela crée un militantisme
par la preuve et extrêmement thématisé.
Le problème du parti politique est l’équilibre et la
tension existant entre la liberté sur le
terrain et la coordination centrale :
-il faut donc attirer les militants pour ce que vous
proposez de faire
- et créer une séduction durable de militant
sociologiquement divers.
Or si l’on utilise les réseaux sociaux comme appui de ces
démarches, en donnant à chaque militant des informations issues de base de
données, cela crée une sélection quasi darwinienne, et donc une échelle
relativement méritocratique du travail de militant. Seul internet est capable
d’organiser à cette échelle les tensions existantes entre centralisation et
décentralisation.
L’exemple de la campagne d’Obama nous montre qu’internet est seulement un levier sur le terrain. Il permet de disposer d’une structure encadrante dans la hiérarchie avec un effet de bottom up qui est en fait écrasé. En quoi est ce éloigné de la pratique française ?
- si l’on focalise sur le parti , la vision est pyramidale
chez eux
- la pratique militante par contre est ressemblante dans la mobilisation
mais les proportions sont différentes. »
Points à débattre sur le sujet :
Il y a des mouvements émergents puissants ( cf 2005). Mais
nous sommes face à un effet de découragement parce que dans les partis
politiques et les institutions la logique de mobilisation n’est ni thématique ni affinitaire, mais
systématique et globale. Pourquoi est ce que cela ne se transforme pas ? C’est
une question d’économie et de financements des partis politiques
-Il est important de différencier la propagande et la
démocratie participative, leur seul point commun est dans l’explosion de la
hiérarchie instituée et immuable.
-http://www.scienceshumaines.com/la-contre-democratie-la-politique-a-l-age-de-la-defiance_fr_15078.html
-La démocratie demande une attitude de vigilance.
-Il y a une question de langage dans les recommandations que
peut donner internet dans la démocratie interne, ou d’ordre participatif. Il
faut pouvoir être entendu.
-La démocratie actuelle n’offre que des choix et positions
binaires, une loi offre seulement le choix de l’abrogation ou du vote. Il faut
donc réenchanter cela, la blogosphère par exemple montre un besoin d’espoir des
citoyens et des militants.
-Finalement les partis politiques en France, sont assez peu concurrentiels,
et cela pose le problème des contre-pouvoirs et de leur efficacité. Le lobbying
n’est pas forcément le plus efficace, comme l’on voit lors de la loi HADOPI, où
le positionnement, un peu pleutre, est fondé sur l’ignorance.
-La déstructuration du web, rend difficile la transposition
des modèles économiques physiquement difficile, d’un monde à l’autre
4) Intervention de Quitterie
Delmas sur le militantisme
« Pour parler de mon expérience personnelle, je dirai
que la problématique se pose dans l’appareil d’un parti politique. Le but d’un
parti, au début en tout cas et sa fin, est un tissage de liens entre personnes
selon des opinions et qui se linkent entre eux. Comme peut le faire un média
social.
Au MODEM, la difficulté a été de gérer un modèle où les
réactions internes sur les blogs par exemple sont épidermiques.
La conclusion de mon expérience serait que la politique est en dehors des partis, qu’internet porte un nouveau modèle de société, et que nous avons tous les outils nécessaires pour transporter la politique en dehors des sphères convenues. »
Et voilà les points importants ! Comptez sur moi pour vous indiquer les prochains évènements où j'assisterai, sur ce sujet ! bravo au passage à ceux qui sont arrivés au bout héhé !
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