Exclu: Préface de l'Age de Peer, apr Tariq Krim, intitulée "Pour une troisième voie"
"Les industries culturelles et de divertissements manquent de
visions et d’ambition. Le débat sur le droit d'auteur début 2006 en aura été la
parfaite illustration.
L’internet, cette ancienne nouvelle technologie est désormais ancré
au cœur des usages quotidiens et notamment des plus jeunes cœur de cible
historique de ces industries. Pourtant ces dernières n’ont pas ou peu changé,
alors que s’inventent les nouvelles pratiques : échanges, écoutes et découvertes
participatives, et plus de 5 millions de Français possèdent un baladeurs MP3.
Manque de vision, parce qu’alors qu’il faut inventer un nouveau
pacte entre les consommateurs et les distributeurs, on ne propose aux
consommateurs que des offres légales verrouillées et calquées sur l’économie
classique du disque.
Manque de vision des industries culturelles mais également du
ministère de la culture qui n’a pas su tendre la main à un incroyable
foisonnement d'initiatives culturelles : artistes de la génération MP3,
webradios, architectures de participations, dont le peer-to-peer n'est que la
partie émergée. La culture de 2010 s'invente déjà aujourd'hui.
Manque d’ambition également car il n’est pas acceptable que face à
l’un des plus grands changements dans l’histoire de la culture de ce pays, les
différents gouvernements soient restés incapable de reprendre la main et
d’organiser un véritable plan de développement pour les industries culturelles
dans le numérique.
Il existe pourtant des moyens d’actions, en voici au moins 3 :
1. Créer un vrai service public numérique. Dix ans après la
démocratisation de l'Internet, il est temps que l'Etat assume ses
responsabilités face à l'Histoire : c'est la totalité des connaissances du
domaine public, l'ensemble du patrimoine culturel français, financé par l'Etat,
qu'il faut mettre en ligne sans attendre ! En encourageant son appropriation
par le public. Au nom de l'égalité des chances, mais surtout pour affirmer
notre indépendance et notre influence culturelles. Formats ouverts sans
verrous, logiciels libres, peer-to-peer et architectures collaboratives sont
déjà les fondations d'une relation nouvelle entre le citoyen et la culture.
L'Etat doit s'en saisir pour devenir un catalyseur de nouveaux emplois
industriels et culturels. Le lancement avec succès du site ina.fr montre à quel
point le public est en attente d’un accès priviligié et simple à son
patrimoine.
2. Mettre en place une autorité de régulation. Dans une économie
d'abondance culturelle, l'Etat doit jouer un rôle moteur pour amener les
industries culturelles à s'adapter aux réalités de l'Internet. Dans un monde où
l'accès à tout devient la règle, il est indispensable d'apporter la souplesse
et l'inventivité de nouveaux acteurs. Le principal frein au développement de la
musique en ligne est que l'offre n'est pas à la hauteur de la demande, car
soumise au seul arbitrage de l'industrie du disque et à son monopole sur les
droits d'auteur. Comment aurait-on pu imaginer la révolution des radios libres
sans la création de nouvelles radios ? Comme pour la téléphonie et l'accès
Internet, il faut créer une autorité de régulation capable d'imposer par étapes
l'accès de la totalité du catalogue musical aux services commerciaux qui
l'attendent. Sinon qui pourra blâmer ceux qui préfèrent se tourner vers le
peer-to-peer ?
3. Aider les industries culturelles à rester dans la course. La
musique numérique est avant tout un métier d'innovation et une opportunité de
création d'emplois. Il convient de les susciter massivement en leur ouvrant les
mécanismes d'aide à l'innovation : crédits d'impôt, aide aux nouveaux métiers,
soutien à la distribution et l'exportation numériques, numérisation des
catalogues difficiles
Le principal argument mis en avant pour justifier l’immobilisme est
celui du modèle de financement de la culture qu’il resterait à trouver. Il est
pourtant simple, et repose sur trois sources principales :
Le modèle payant unitaire, celui de la vente de CD. Dans le débat
sur le droit d’auteur, c’est celui qui est imposé par les plus grandes maisons
de disques. Le verrouillage, les fameuses DRM (digital right management) étant
là pour garantir la pérennité du modèle, même si le consommateur doit en subir
les désagréments et les risques.
Le modèle de taxation indirecte, qui permet notamment, grâce aux
redevances sur les supports et les ipod, de rémunérer les copies privées
réalisées. Le projet de « licence globale » présenté au parlement, et
dont un certain nombre d’amendements avait été adoptés à la surprise générale
lors de la nuit de 21 décembre 2005, souhaite généraliser ce modèle à
l’internet.
Enfin le modèle du prélèvement à la source qui a permis à la
télévision et la radio de se développer. Il s’agit de monétiser les contenus en
amont soit par la publicité, soit par abonnement. Ce modèle est aujourd’hui le
seul qui pourrait permettre un développement de masse de la distribution
culturelle en ligne. Imaginons un instant un service de peer à peer gratuit et financé par la
publicité et totalement légal. Quel embarras en cas de succès d’un tel
modèle qui pourrait prendre un place prépondérante chez les jeunes au
détriment de la radio FM et des chaines de télévision musicales.
Car le débat ne porte pas autant sur le financement que sur le
modèle de financement. Les trois modèles présentés ne se financent pas de la
même manière et surtout ne financent pas les mêmes personnes. Derrière les
engagements au nom du droit d’auteur, un véritable guerre larvée se dessine
pour le contrôle des revenus.
Avant de se jeter dans cette guerre incertaine, de nombreux acteurs
culturels devraient d’abord lire le livre d’Alban Martin afin de comprendre
qu’ils ne sont plus totalement maîtres du jeu et qu’ils doivent apprendre à
s’accomoder de nouvelles règles avec le consommateur devenu « consom-acteur ».
En cette période plutôt sombre pour l’internet
culturel, il était important d’avoir une pratique positive de ces sujets. En
abordant ces derniers dans leur globalité et en le truffant d’exemple, ce livre
devrait être un cours du soir accéléré à destination des managers des
industries culturelles et du politique."
Préface de l'age de Peer, sortie le 22/09.
"tariq krim" eh beh, tu ne te refuses rien ... ,-)
Rédigé par : gandon françois albert | 06/09/2006 à 08:31
C'est intéressant de voir que Tariq Krim préconise surtout des actions politiques (donc plutôt top-down), en réponse à un mouvement d'innovation ascendante. Effectivement aujourd'hui c'est peut-être le manque de propositions constructives de la part des gouvernements (pas seulement en France) qui interpelle sur le sujet du peer-to-peer.
Je suis 100% d'accord avec Tariq quand il dit "La culture de 2010 s'invente déjà aujourd'hui.". Mais au-delà de ça, n'est-ce pas la politique de 2010 qui s'invente sous nos yeux ?
Rédigé par : seber | 06/09/2006 à 14:42
préface nickel, mais chipotons un peu sinon c'est pas marrant :p
C'est juste pour réagir à "la culture de 2010", pour ma part qu'il y a "des" cultures, au sens où il existe déjà une fracture sur le niveau d'accès à la culture, entre ceux qui "savent" pirater et qui deviennent à la fois moteurs de changement et insaisissable à ces changements (car jamais suffisants), et ceux qui ne "savent pas", et qui subissent les changements de système, de plus en plus en recherchant d'autres accès...
Rédigé par : Eldarion | 06/09/2006 à 23:14