Voici donc pour clore ce cycle, l'interview de STF-Lacrymosa_Industry, porteur d'un projet coopératif très abouti. Bien que diffusé librement, The Urban Tale représentera une nouvelle valeur, plus que symbolique. STF-Lacrymosa_Industry nous évoquera des pistes de réflexion pour valoriser son oeuvre, autrement que par une transaction classique. Enjoy.
Alban : Bonjour Stéphane. Pourrais-tu te présenter pour
ceux qui ne te connaissent pas (encore)?
Stéphane: Alors, salut Alban, moi, c’est Stéphane Drouot,
je suis beaucoup plus connu sous le pseudo STF – Lacrymosa Industry. J’ai 24 ans et
depuis maintenant plus de 2 ans et demi je développe pas mal de films
d’animation 3D, de musique et je participe à l’essor de la communauté copyleft
attitude. Mon but étant de devenir infographiste, je me suis dit qu’il serait
judicieux que le travail de mon autoformation soit utile à une cause.
Alban : STF- Lacrymosa Industry”, est-ce que tu pourrais
nous dire d’où ça vient?
Stéphane : Alors, c’est un pseudo très ancien qui remonte à
ma première année de Lycée. A l’époque, j’étais jeune et triste, je venais de
découvrir la musique classique et l’oeuvre magistrale du Requiem de Mozart.
Lacrymosa Industry, c’est l’industrie larmoyante, la transformation de
l’énergie de la tristesse en quelque chose d’autre (Musique, programme,
vidéo...)
Alban: Tu es très actif sur le consortium des
artistes libres , pourrais-tu nous expliquer ce que c’est et comment ça marche?
Stéphane: Il s’agit d’un espace de création libre,
individuelle, et commune au sein de la copyleft attitude. Orientée autour d’un
forum, le consortium est également une plateforme d’aide à la création;
N’importe qui peut venir y chercher des conseils, du soutien ou des
informations. Des artistes ayant fait le choix de la licence art libre (ou LAL) sont là pour mettre à disposition leur capacité
créatrice dans des domaines comme la musique, l’écriture, la vidéo, la photographie,
ou bien des aspects plus techniques comme la création 3D, le graphisme ou
l’encodage. Le consortium peut également, dans certains cas, aider des
personnes dont les oeuvres finales n’auront pas forcément vocation à être
diffusée sous la LAL.
Alban: petit rappel sur la LAL (licence Art Libre)…?
Stéphane: La Licence Art Libre, c’est une
licence (un contrat en quelque sorte) qui vient s’ajouter au droit d’auteur et
qui permet à l’artiste (au sens large) le désirant de permettre légalement la
copie, la diffusion et la modification de son œuvre. La seule contrainte étant
que l’oeuvre dérivée soit sous LAL. C’est la licence GNU/GPL appliquable à
tout, y compris au logiciel.
Alban : Tu fais donc partie des bénévoles de la création
si j’ai bien compris, offrant ton temps et tes services “gratuitement” ?
Stéphane: Effectivement, cela dit, dans le monde de
Copyleft, on ne dit pas gratuitement mais gracieusement. Je passe facilement 15
heures par semaine sur le consortium à travailler sur divers projets LAL qui ne
sont pas les miens. En ce moment, le projet personnel qui me consumme près de
60H par semaine s’appelle “The Urban Tale” [Site en construction http://theurbantale.no-ip.org]. Débuté en Octobre 2004, ce projet aura la forme d’un
DVD autour de la communauté des artistes libres. Il regroupera un film en 3D,
des entretiens avec des personnalités majeures de l’art libre comme L.L de Mars, A. Moreau (initiateur de la
LAL) ou encore Ehma de culturelibre.net. A ceci se
rajoutera deux making off, des court-métrages, et bien sûr la bande originale
du film déjà disponible sur Jamendo sous le titre “The Urban Tale”. Nous espérons
boucler le DVD pour février 2006.
Alban: Combien d’artistes en tout auront collaboré au
projet?
Stéphane: hum…bonne question, il faut dire que seule la
partie musicale fut une collaboration avec Realaze, Phoebus, No-Sushi,
Delgarma, Marcel de la Jartèle, Silence et Lonah. Le reste du film est une
réalisation personnelle, pour laquelle j’ai emprunté des illustrations ou
photos sur les sites d’artistes libres, avec leur consentement, bien entendu.
En tout, les oeuvres de près d’une dizaines d’artistes libres seront
disséminées dans le film.
Alban : A mes yeux, là est une des principales forces
motrices de l’art libre: encourager et offrir une structure collaborative, qui
permet d’arriver à des oeuvres aussi abouties techniquement et artistiquement
que des projets encadrés dans une structure économique, mais avec une
collaboration entre “employés” bridée. Une dualité un peu à la wikipedia Versus
l’encyclopédie Britannica?
Stéphane: Oui, tout à fait, différence faite que la
collaboration entre Artistes libres à généralement pour but l’enrichissement
reciproque plus que la réalisation d’un projet. Le projet est plus un prétexte
la majeure partie du temps.
Alban: Vu la qualité de tes oeuvres “amateures” (ndlr:
voir la définition
ici), qui dépassent facilement celles de professionnels, on peut se
demander si au final tu es à ta place… Proposer tes oeuvres librement sous LAL,
ne signifie pas qu’elles n’ont pas de valeur économique, au contraire. Tu
pourrais gagner de l’argent avec et devenir un “professionel”?
Stéphane: Au delà du débat sur l’art pour l’art, et le fait
de créer de manière désintéressée, se dresse la question de la compatibilité de
mes initiatives avec le monde économique. Faire du libre ou de l’open-source
pourrait s’accompagner d’une rémunération. Par exemple vendre des publicités
“libres” à des annonceurs serait un moyen de décupler le message à faire
passer: n’importe qui pourrait s’approprier et diffuser la publicité (pour peu
qu’elle soit sexy) sans problème de droit d’auteur: n’est-ce pas le but
recherché par toute campagne de communication, obtenir le maximum d’exposition?
Ou bien pourquoi ne pas envisager une version payante du consortium? Faire
payer le soutien créatif de la communauté copyleft, surtout si les oeuvres
seront utilisées par la suite dans des projets commerciaux comme des clips
vidéos ou des DVD?
Alban : et pour The Urban Tale sous licence LAL (donc
téléchargeable librement), pourras-tu en tirer un profit autre qu’honorifique?
Stéphane: Le DVD pourra sûrement être commandé et acheté via
un système Paypal sur mon site internet, et ceux malgré le fait que son contenu
soit mis en même temps à disposition librement. Le DVD proposera une nouvelle valeur:
il réunira sur un même support tous les éléments et contenus qui autrement
doivent être téléchargés séparement, formant un univers à part entière. Deux
making-off bonus seront disponibles uniquement sur le DVD. Enfin il proposera
la plupart des outils utilisés pour réaliser le film.
Alban: Enfin et surtout, je pense que ce DVD sera ta
meilleure carte de visite et ton meilleur CV pour décrocher un job dans le
domaine de l’animation: preuve que ton oeuvre “amateure” est de qualité
“professionnelle”, car elle va te permettre, j’en suis sûr, de te faire
embaucher. La boucle sera bouclée. Merci Stéphane pour ton temps et ta
disponibilité.
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